Communauté informelle interpelée
27 mars 2024En raison du rapport des forces et du travail obligatoire appliqués sur le terrain, l’administration coloniale reposait essentiellement sur l’exploitation à outrance des richesses naturelles du territoire occupé. « Un trou, un drain vers la mer, c’est un suçoir », disait l’autre. Elle intégrait les services de base sanitaires, scolaires et judiciaires, parallèlement à l’évangélisation de couches autochtones qu’assuraient les ecclésiastiques. Après le second conflit mondial, les revendications d’amélioration des conditions de vie voyaient le jour dans les colonies. Les autorités faisaient face aux pressions nées de l’éclatement des guerres de libération, et du mouvement des Non-alignés qui s’étaient réunis à Bandoeng. Les super puissances intimaient, par-ailleurs, aux colonialistes européens de lâcher du lest, suivant le principe « des peuples à disposer d’eux-mêmes », à l’endroit des pays sous leur domination. La relève locale préparée dans une mesure, se mettait « dans les bottes » du colonisateur partant, pour conduire un état embryonnaire qui évolue au-delà d’un demi-siècle. L’ex- puissance coloniale française s’adaptant au retournement de situation, n’en a pas écarté ses prérogatives. Elle maintient en matière de défense, des bases, la formation et autres accords militaires ; du point de vue économique par l’exploitation quasi-exclusive des ressources naturelles, dont les hydrocarbures, l’uranium et de minerais ; au plan monétaire par l’utilisation du franc C.F.A garanti par le trésor français, à raison du dépôt massif d’or de la part d’anciennes colonies. Des pays africains bénéficient de contributions en matière de développement et dans l’arène diplomatique par l’état français. En somme, la communauté franco-africaine prévue dans la constitution française de 1958, jetée par-dessus bord pendant la cascade des déclarations d’indépendance, a progressivement pris corps dans l’informel. Ce scenario était mené tant bien que mal de De Gaulle à Mitterrand, jusqu’au moment où l’état français est retrouvé stigmatisé à bien des égards par le génocide commis au Rwanda en 1994, la déstabilisation de Libye, l’assassinat de Khadafi , le déferlement djihadiste et l’extension du terrorisme au Sahel.
L’euphorie née dans la perspective du changement socio-politique et économique d’après-guerre froide, tranche avec le désarroi des populations qui ont espéré renaitre dans les meilleures conditions sécuritaires et d’essor économique. Les aléas climatiques, la mauvaise gouvernance, et la corruption endémique, alliés à une combinaison des destructions, de massacres collectifs, et d’exode massif, n’étaient pas estompés. Ces contrariétés amenèrent à la remise à plat de la donne du Vent d’Est dans nombre de pays. Cette volteface ferait redouter la récidive de pratiques contre-productives du passé. Elle a fait resurgir le spectre de recul démocratique dans la Corne d’Afrique, à l’ouest, et au centre du continent. La France, depuis la Conférence de La Baule en 1990, s’était investie pour promouvoir la démocratie dans sa zone d’influence en Afrique. Le coup d’arrêt à l’ordre démocratique, est alternativement opéré par des civils au pouvoir et de militaires locaux. Les auteurs de putschs et les vainqueurs des élections présidentielles au Sénégal, interpellent le leadership français dans une perspective de rompre avec le statu quo, d’inscrire sur les fonts baptismaux la prise de responsabilité souverainiste par les nouvelles générations sur le continent.
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